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LFC 2020 : Nouveaux paramètres pour l’investissement.

Après onze ans de règne de la règle du 51/49, la loi de finances complémentaire n’abroge pas cette règle. Elle l’applique à des secteurs définis comme stratégiques.

La loi de finances complémentaire pour 2020, publiée au journal officiel n° 33 du 4 juin 2020,  apporte de nouvelles mesures sur les règles liées à l’actionnariat national résident.  Par simplification,  certains évoquent l’abrogation de la règle dite du 51/49. Il s’agit en réalité de nouvelles  règles qui maintiennent l’exercice du patriotisme économique sur des secteurs considérés comme stratégiques.

Retour sur la LFC 2009  et ses textes subséquents

La loi de finances complémentaire pour 2009 avait amendé et complété l’ordonnance n° 01-03 du 20 août 2001 relative au développement de l’investissement, en instaurant, entre autres :  

– L’obligation d’un partenariat national et résident majoritaire de 51% pour les activités de productions de biens et de services,

– L’exclusion des personnes physiques étrangères ou personnes morales à capitaux étrangers supérieurs à 70% pour les activités de commerce extérieur, avec l’obligation de recourir à un actionnariat national résident d’au moins 30%, limité à 49% par la loi de finances pour 2014

– Le recours obligatoire au financement local, sauf cas particulier et à l’exclusion du capital social, des financements nécessaires à la réalisation des investissements étrangers.

Après un dédale de divers textes de lois de finances et d’amendements de la loi relative à la promotion sur l’investissement, la loi de finances pour 2020 [1]consacrait un abandon partiel de la majorité capitalistique algérienne résidente en la maintenant seulement pour les activités de production de biens et de services qui revêtent un caractère stratégique, fixées par voie réglementaire après présentation par le ministre chargé des finances de ces activités devant la commission des finances et du budget de l’Assemblée Populaire Nationale.

Nouvelles dispositions de la LFC 2020

L’article 48 de la loi de finances complémentaire pour 2020 abroge les dispositions de l’article 109 [2] de la loi n° 19-14 du 11 décembre 2019 portant loi de finances pour 2020 qui complétait et modifiait l’article 66 de la loi de finances pour 2016.

Le législateur aura finalement préféré la rédaction d’un article 49, sans équivoque, sur l’ouverture à l’investissement étranger,  sans obligation d’association avec une partie locale, pour toute activité de production de biens et services, exception faite :

– Des activités d’achat revente de produits, et

– Celles revêtant un caractère stratégique, relevant des secteurs définis sous un article 51 de la même loi de finances complémentaire.

 Ces activités exclues de la  nouvelle règle générale d’inclusion de l’investissement étranger, sans condition de niveau de participation au capital, demeurent assujetties à une participation d’actionnariat national résident à hauteur de 51%.

Les secteurs d’activité définis comme stratégiques, sont en l’état actuel:

1- L’exploitation du domaine minier national, ainsi que toute ressource souterraine ou superficielle relevant d’une activité extractive en surface ou sous terre, à l’ exclusion des carrières de produits non minéraux ;

2- L’amont du secteur de l’énergie et de toute autre activité régie par la loi sur les hydrocarbures, ainsi que l’exploitation du réseau de distribution et d’acheminement de l’énergie électrique par câbles et d’hydrocarbures gazeux ou liquides par conduites aériennes ou souterraines ;

3- Les industries initiées ou en relation avec les industries militaires relevant du ministère de la défense nationale ;

4- Les voies de chemin de fer, les ports et les aéroports ;

5- Les industries pharmaceutiques, à l’exception des investissements liés à la fabrication de produits essentiels innovants, à forte valeur ajoutée, exigeant une technologie complexe et protégée, destinés au marché local et à l’exportation.

Pour l’instant, le périmètre du patriotisme économique est posé, avec la possibilité que les modalités d’application de cette mesure soient précisées, en tant que de besoin.

Au risque de laisser cours à une interprétation erronée de la conjonction entre les secteurs définis comme stratégiques, les activités de revente en l’état et l’abrogation de la règle du 51/49 pour les autres activités, deux institutions ont très rapidement apporté des clarifications.

Le Conseil de la Monnaie et du Crédit [3] a ainsi apporté les clarifications selon lesquelles l’article 49 de la loi de finances complémentaire ne peut nullement être appliqué avec effet rétroactif et bloquer des investissements déjà engagés d’autant que l’article 22 de la loi n°16-09 du août 2016 relative à la promotion de l’investissement stipule que : « Les effets des révisions ou des abrogations portant sur la présente loi, susceptibles d’intervenir à l’avenir ne s’appliquent pas à l’investissement réalisé sous l’empire de cette loi, à moins que l’investisseur ne le demande expressément

De son côté, le Ministère du Commerce aura également saisi l’occasion d’un échange avec l’ABEF pour rappeler que :

– L’exercice des activités d’importation par les étrangers est subordonné à la constitution d’une société dont le capital social est détenu, au moins, à 51% par l’actionnariat national résident ;

– Qu’en attendant la parution des textes réglementaires prévus par l’article 49 de la Loi de finances complémentaire pour l’année 2020, les sociétés commerciales détenues par des ressortissants étrangers, créées avant la parution de cette disposition, restent toujours régies par l’ancienne législation.

Ces précisions sont intéressantes car elles mettent en évidence qu’il faudra bien des textes d’application, prévus au cas échéant, tant de situations particulières sont à considérer.

Des effets et des non effets des nouvelles dispositions

Il est plus que temps de procéder à l’inventaire des dispositions tant anciennes que nouvelles, pour apprécier le maintien de leur application, devant les situations de faits et d’effets, ou leur absence, d’autant que le sujet de la rétroactivité s’invite au débat.

A titre d’exemple, les dispositions de la loi de finances complémentaire pour 2010 avaient apporté des précisions sur les  modifications de l’immatriculation au registre de commerce qui entraînaient, sous l’ancienne législation, la mise en conformité de la société aux nouvelles règles de répartition du capital, à l’exception de certaines situations, comme :

– La modification du capital social (augmentation ou diminution) sans  changement de l’actionnariat et de la répartition du capital entre les actionnaires ;

– La suppression d’une activité ou le rajout d’une activité connexe ;

– La modification de l’activité suite à la modification de la nomenclature des activités ;

– La désignation du gérant ou des dirigeants de la société ;

– Le changement d’adresse du siège social.

– La cession ou de l’échange, entre anciens et nouveaux administrateurs, d’actions de garantie prévues par l’article 619 du code de commerce et ce, sans que la valeur desdites actions ne dépasse 1% du capital social de la société.

En tant qu’effet direct, force est de constater que la fibre du patriotisme économique aura renforcé la pratique de la relation capitalistique majoritaire et des règles correspondantes de gouvernance. Il reste toujours  à apprécier la place des dispositions des pactes d’actionnaires, celle de la place du transfert du savoir-faire dans les partenariats et du financement des projets.

Certains pactes d’actionnaires ayant prévu le retrait des actionnaires algériens résidents majoritaires en cas de changement de législation, il sera intéressant d’examiner comment la rétroactivité sur demande s’appliquera.

Le sujet du droit de préemption de l’Etat devrait être pour sa part, sans ambiguïté.

Sur le droit de préemption :

La loi de finances complémentaire pour 2020 abroge les dispositions de l’article  46 de la loi de finances complémentaire pour 2010 et celles des articles 30 et 31 de la loi n° 16-09 du 3 aout 2016 relative à la promotion de l’investissement.

L’article 62 de la loi de finances complémentaire pour 2009 (LFC 2009) avait introduit un article 4 quinquiès selon lequel, L’Etat ainsi que les Entreprises Publiques Economiques disposaient d’un droit de préemption sur toutes les cessions de participations des actionnaires étrangers ou au profit d’actionnaires étrangers.

Cet article 4 quinquiès a été modifié, par la loi de finances complémentaire pour 2010,  pour préciser que toute cession est subordonnée, à peine de nullité, à la présentation d’une attestation de renonciation à l’exercice du droit de préemption, délivrée par les services compétents du ministre chargé de l’investissement après délibération du Conseil des participations de l’Etat et que la demande de l’attestation est présentée aux services compétents par le notaire chargé de rédiger l’acte de cession précisant le prix et les conditions de la cession.

Bien que supprimé par la loi de finances complémentaire pour 2020, ce droit de préemption est remplacé par l’autorisation du Gouvernement pour toute cession de parts par des parties étrangères à d’autres parties étrangères, du capital social d’une entité de droit algérien exerçant dans l’une des activités stratégiques. 

L’article 52 de la loi de finances complémentaire pour 2020 qui introduit cette autorisation, prévoit également que toute cession d’actifs d’une partie étrangère non résidente vers une partie nationale résidente, est assimilée à une importation de bien ou de service et qu’elle obéit aux dispositions régissant le contrôle de change en matière de transfert des produits des opérations de la cession.

Il conviendra d’attendre les textes d’application pour mieux apprécier la portée de ces dispositions.

Sur le financement des investissements étrangers.

La loi de finances complémentaire pour 2020 abroge l’article 55 de la loi n° 15-18 du  30 décembre 2015 portant loi de finances pour 2016.

Cet article 55 stipulait que les financements nécessaires à  la réalisation des investissements Etrangers, directs ou en partenariat, à l’exception de la constitution du capital, sont mis en place, en règle générale, par recours au financement local.

Ce même article permettait, au cas par cas, le recours aux financements extérieurs indispensables à la réalisation des investissements stratégiques par des entreprises de droit algérien, sur autorisation du Gouvernement.

Avant cette restriction, le décret exécutif n° 13-320 du  26 septembre 2013 permettait le  financement des investissements directs étrangers, au moyen  d’emprunts d’actionnaires pour le financement des investissements sans possibilité de les rémunérer, sur une période maximale de trois (03) ans  et ne réservait la rémunération des garanties souscrites à l’étranger, pour des emprunts contractés localement, qu’aux seules institutions financières multilatérales.

Le possible recours aux financements extérieurs, permet indirectement le retour des prêts d’actionnaires.

Autres mesures liées à l’investissement.

L’article 18 de la loi n° 06-11 du 24 juin 2006 relative à la société de capital investissement,  limitait la participation au capital d’une même entreprise à 49%.

Cette limitation est levée sous la loi de finances complémentaire pour 2020 pour les Start-up seulement et reste en vigueur pour les autres entreprises.

L’article 45 de la loi de finances complémentaire pour 2020 institue  le statut de Conseiller en Investissement Participatif chargé de la création et de la gestion, sur internet, de plateformes de conseil en investissement participatif et de placement de fonds du grand public, dans des projets d’investissement participatif.

Des sociétés ayant pour objet cette mission peuvent avoir ce statut, tout comme les Intermédiaires en Opérations de Bourse agréés ainsi que les Sociétés de Gestion de Fonds d’Investissement.

Il est prévu qu’un règlement de la Commission d’Organisation et de Surveillance des Opérations de Bourse précise les conditions d’agrément et d’exercice et de contrôle des Conseillers en Investissement participatif.

L’article 57 de la loi de finances complémentaire pour 2020,  autorise le dédouanement, pour leur mise à la consommation, des chaines et équipements de production rénovés, ainsi que des marchandises et des articles d’équipements neufs, à l’exception  des équipements de transport de personnes et de marchandises.

L’article 123 de la loi de finances pour 1994 amendé en 1995 et complété par la loi de finances complémentaire pour 2009 imposait que seuls les équipements neufs soient admis au dédouanement.

En vue de permettre l’acquisition de chaines de production à des coûts moins élevés, la loi de finances complémentaire pour 2010 avait permis la mise à la consommation des chaînes de production rénovées, à l’exclusion des engins de travaux publics et des camions qui devaient être importés à l’état neuf.

Le bénéfice des avantages fiscaux pour les chaines de production rénovées importées , pour sa part, a été retiré à compter du 01/01/2016  et le dédouanement était  accordé par dérogation exceptionnelle du ministère chargée de l’industrie. Il reste à attendre les modalités d’application de cette mesure.


[1] Article 109 de la loi de finances pour 2020 modifiant l’article 66 de la loi de finances pour 2016.

[2] Ecrit dans le texte de la LFC 2020 : Article 114

[3] Note n°227 /CAB/SG.CMC/2O2 du Conseil de la Monnaie et du Crédit.

Post Author: Samir Hadj Ali