Ce qu’il faut savoir :
II. Le clin d’œil de la fiscalité au Système Comptable et Financier
La loi de finances complémentaire pour 2009 a apporté de nouvelles mesures pour traiter les incidences fiscales induites par les nouvelles normes comptables qui entreront en vigueur dès le 1er janvier 2010.
Parmi ces mesures, il ya lieu de citer :
– La prescription de respect des définitions du SCF comme système de référence.
– Le choix de la méthode dite de l’avancement pour les contrats à long terme.
– La définition d’un seuil pour la prise en charge, au plan fiscal, des éléments d’actif immobilisé.
– La nouvelle rédaction de l’alinéa 5 de l’article 141 sur les provisions.
– Le sort des plans de résorption de frais préliminaires avant l’entrée en vigueur du SCF.
– Le sort de la réévaluation des immobilisations.
La loi fiscale distingue finalement son positionnement par rapport à la loi comptable, même si d’emblée la fiscalité des entreprises algériennes repose, en grande partie, sur la comptabilité. En effet le bénéfice imposable repose fondamentalement sur le bilan, notamment par l’article 140-2 du code des impôts directs qui le définit comme la variation d’actif net, précision faite que l’actif net représente l’excédent des valeurs d’actifs sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés.
Cependant comme les règles comptables ne correspondent pas toujours aux règles de droit fiscal, le passage aux nouvelles normes comptables du SCF, imposait que la dépendance de l’assiette imposable de la comptabilité soit pondérée pour assurer la correction du résultat comptable en résultat fiscal.
II.1 Prescription de respect des définitions du SCF comme système de référence.
Ainsi la prescription de respect des définitions du SCF, comme système de référence, donne le ton puisque l’article 141-ter, créé par la loi de finances complémentaire pour 2009, requiert que les entreprises doivent respecter les définitions édictées par le système comptable et financier, sous réserve que celles-ci ne soient pas incompatibles avec les règles fiscales applicables pour l’assiette de l’impôt.
En l’état actuel de la révision du code des impôts directs, on relèvera que ce code fait toujours référence au plan comptable national (PCN), notamment pour le cas de rejet de comptabilité pour non-conformité des livres comptables[1]. Cette situation transitoire est normale dès lors que la loi comptable ancienne guidera encore les arrêtés de comptes de l’année 2009 et le calcul de l’impôt qui sera déclaré en 2010 pour 2009. Il sera pertinent d’observer comment la rédaction de l’article 191 du code des impôts directs évoluera et de voir, à l’instar des dispositions actuelles, si les manquements aux principes du SCF constitueront un motif de rejet de la comptabilité en cas de vérification.
II.2 Une seule méthode pour les contrats à long terme.
Les normes comptables définissent les méthodes d’évaluation et de comptabilisation des éléments des états financiers et comptent, parmi les normes particulières, celle relative aux contrats à long terme.
Les contrats à long terme sont définis par l’arrêté du 26 juillet 2008, qui fixe les règles d’évaluation et de comptabilisation, le contenu et la présentation des états financiers ainsi que la nomenclature et les règles de fonctionnement des comptes.
Cet arrêté précise que les contrats à long terme portent sur la réalisation d’un bien, d’un service, ou d’un ensemble de biens et de services, dont les dates de démarrage et d’achèvement se situent dans des exercices différents. Il peut s’agir de contrats de construction, de contrats de remise en état d’actifs ou de l’environnement ou de contrats de prestations de services.[2]
Ce même arrêté prévoit que les charges et les produits, liés à une opération de contrat à long terme, sont comptabilisés au rythme de l’avancement de l’opération, de façon à dégager un résultat comptable au fur et à mesure de la réalisation de l’opération. Il s’agit de la méthode dite à l’avancement.
Par contre, lorsque le système de traitement de l’entité ou la nature du contrat ne permet pas d’appliquer la méthode de comptabilisation à l’avancement, ou si le résultat final du contrat ne peut pas être estimé de façon fiable, il est admis – en loi comptable – à titre de simplification, de n’enregistrer en produits qu’un montant équivalent à celui des charges constatées, dont le recouvrement est probable. Il s’agit de la méthode dite à l’achèvement.
C’est au sein de la section 5 du code des impôts directs, que la loi de finances complémentaire pour 2009, a amendé la rédaction de l’article 140 – consacré à la définition du bénéfice imposable – en lui rajoutant un troisième alinéa spécifique aux bénéfices imposables des contrats à long terme.
On comprendra aisément que l’administration fiscale ne pouvait pas s’accommoder d’une méthode consacrée aux situations ou le résultat final ne peut pas être estimé de façon fiable.
Le texte de loi fiscale est donc plus catégorique puisqu’il ne laisse, comme option, que la méthode de l’avancement pour la détermination du résultat des contrats à long terme. Les entrepreneurs, gérants de tels contrats, ne pourront donc pas invoquer les limitations pourtant prévues par l’article 133-3 de l’arrêté du 26 juillet 2008. Ils devront se doter d’une comptabilité analytique et pour qu’il n’y ait pas débat sur le sujet, l’article 140-3 est également flanqué d’un alinéa qui précise qu’il est requis, à ce titre, l’existence d’outils de gestion, de système de calcul de coûts et de contrôle interne permettant de valider le pourcentage d’avancement et de réviser au fur et à mesure de l’avancement, les estimations de charges, de produits et de résultats.
Dans la vie des affaires, l’harmonie s’impose parfois. Tel sera le cas pour les contrats à long terme entre la fiscalité et la comptabilité.
La rédaction de l’article 140 ne précise pas le sort des pertes à terminaison, qui sont prévues par l’arrêté du 26 juillet 2008, sous son article 133-4.
Dans le cas des contrats à long terme, la perte à terminaison consiste en une provision, constituée à hauteur de la perte totale, résultant du jugement fait sur la probabilité que le total des coûts du contrat sera supérieur au total des produits.
Si l’administration venait à en refuser la déductibilité (ce qui semble être le cas), il y aurait une nouvelle source de différenciation entre le résultat comptable et le résultat fiscal. Les entreprises algériennes de bâtiments et travaux publics s’en trouveraient particulièrement lésées si un aménagement de texte ne venait pas à leur secours.
II.3 Seuil de prise en charge d’éléments d’actif immobilisé
L’article 121-4 de l’arrêté du 26 juillet 2008 prévoit, sous le SCF, au titre du regroupement ou de la séparation des éléments d’actifs corporels, que les éléments de faible valeur peuvent être considérés comme entièrement consommés dans l’exercice de leur mise en service, sans être comptabilisés en immobilisations.
Si la loi comptable n’a pas précisé ce qui est entendu par éléments de faible valeur, c’est sans doute parce que ses auteurs ont souhaité laisser l’initiative aux chefs d’entreprises au gré des spécificités de chacune des industries.
Mais comme la fiscalité a besoin de porter des limites, s’agissant d’éléments pris en charge, donc déductibles pour la détermination de l’assiette de l’impôt, l’article 141 qui traite de la détermination du bénéfice imposable des sociétés, est modifié par la loi de finances complémentaire pour 2009. En son troisième alinéa qui traite de la déductibilité des amortissements, la modification précise que les éléments de faible valeur dont le montant hors taxe (hors TVA) n’excède pas 30,000 DA peuvent être constatés comme charge déductible de l’exercice de leur rattachement. Cette mesure devrait permettre de faciliter la gestion et le suivi des biens amortissables de faible valeur.
Le texte de loi fiscale ne précise pas la nature de ces éléments, mais il y a tout lieu de penser qu’ils doivent être en relation directe avec l’exploitation de l’entreprise.
Comme le SCF peut très bien s’appliquer à des entreprises individuelles, on se rappellera que bien que la mesure soit inscrite dans les dispositions qui régissent la déductibilité des charges pour les sociétés, qu’elle est forcément étendue aux personnes physiques, tant pour les bénéfices industriels et commerciaux que pour les bénéfices non commerciaux.
II.4 Nouvelle rédaction de l’alinéa 5 de l’article 141 sur les provisions
Désormais la rédaction de l’article 141-5, relatif à la déductibilité des provisions constituées pour faire face à des pertes et des charges, précise la portée des provisions aux comptes de stocks et de tiers, avec le même formalisme de l’ancienne rédaction notamment celui de préciser les provisions, de les constater en écritures et de les porter au relevé des provisions à joindre à la déclaration annuelle.
Le SCF définit la provision comme étant un passif à échéance et montant incertains, assorti de trois conditions : une obligation juridique liée à un événement passé (donc survenu avant la clôture des comptes) la probabilité d’une sortie de ressources pour éteindre cette obligation et la possibilité d’une estimation fiable du montant de cette obligation.
Le SFC devrait mettre lui-même un terme à la pratique répandue de constitution de provisions à caractère général, souvent utilisée pour des besoins de réduction de résultats, voire de reprises de provisions par opportunisme.
L’administration fiscale est donc servie, d’autant que dans la pratique, elle exigeait la précision des provisions, tel que la matérialisation des litiges pour les clients douteux.
II.5 Sort des plans de résorption de frais préliminaires avant l’entrée en vigueur du SCF.
Sous le régime du PCN, les frais préliminaires définis comme les frais engagés au moment de la création de l’entreprise, de l’acquisition de ses moyens permanents d’exploitation ainsi que les frais relatifs à son développement ou au perfectionnement de son activité, devaient être résorbés le plus tôt possible et, en principe, dans un délai maximum de cinq ans.
Le SCF inspiré des normes IFRS prévoit la prise en charge de ces frais.
A titre de mesure transitoire, pour les plans de résorption existants à la date de passage au SCF, il était pertinent de prévoir que les frais préliminaires en cours de résorption au 31/12/2009 continuent à suivre le plan initial de résorption, ce qui d’un point de vue fiscal limite la déductibilité du résultat fiscal aux dotations régies par le PCN.
II.6 Sort de la réévaluation des immobilisations.
La loi de finance pour 1996 avait introduit la notion de réévaluation libre, sous conditions fixées par voie réglementaire, avec inscription des plus-values de réévaluation en réserve spéciale.
Cette mesure s’est avérée inexploitable du fait que les textes réglementaires n’étaient plus en vigueur.
Néanmoins le titre de la section aidant[3], car consacré à la réévaluation et le SCF apportant son domaine de réévaluation en relation avec la notion de juste valeur, la section 8 est désormais intitulée ‘Réévaluation des actifs.’
Elle dispose que la plus-value résultant de la réévaluation des immobilisations, à la date d’entrée du nouveau système comptable et financier, sera rapportée au résultat fiscal dans un délai maximum de cinq ans et que le supplément des dotations aux amortissements dégagé des opérations de réévaluation sera rapporté au résultat de l’année. Le législateur aura donc été conciliant pour éviter une imposition élevée lors de la première application du SCF en étalant l’imposition de la plus-value.
Samir Hadj Ali
Expert Comptable
Post-scriptum: Les règles d’adaptation des incidences fiscales du SCF devraient continuer à affluer car sa mise en œuvre entrainera certainement des points de divergences qui seront mis en évidence à l’occasion de son implémentation.
De nombreux points liés à ce domaine n’ont pas encore été abordés par la loi de finances complémentaire pour 2009, du reste suffisamment abondante, qu’il fallait bien en laisser un peu pour les prochaines éditions de lois de finances.
El Watan 17/09/2009
[1] Article 191 du code des impôts directs.
[2] Article 133-1 de l’arrêté du 26 juillet 2008 fixant les règles d’évaluation et de comptabilisation, le contenu et la présentation des états financiers ainsi que la nomenclature et les règles de fonctionnement des comptes.
[3] Section 8 du code des impôts directs.