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La distribution de dividendes : fondements et débats

La distribution de dividendes a longuement animé les débats de ces dernières années, notamment pour ce qui concerne les bénéfices réalisés par des investisseurs étrangers désireux de rapatrier le fruit de leur placement en capital dans des sociétés de droit algérien.

Sur ce sujet des rappels de base s’imposent avec, en surprise, des textes de loi qui ne sont pas toujours les mieux appropriés au contexte algérien.

Ce que sont les dividendes:

Les dividendes correspondent aux sommes dues par une société à ses associés ou actionnaires au titre des bénéfices réalisés au cours de l’exercice écoulé.

L’éligibilité d’un dividende à sa distribution est consacrée par un formalisme qui consiste à faire constater l’existence par l’assemblée générale ordinaire d’un  bénéfice distribuable.

Pour pouvoir distribuer des dividendes aux actionnaires, l’assemblée générale de la société doit constater l’existence d’un bénéfice distribuable.
Le bénéfice distribuable[1] est constitué par le bénéfice net de l’exercice, augmenté des reports bénéficiaires, mais diminué du prélèvement pour la réserve légale prévu à l’article 721 du code de commerce ainsi que de la part des bénéfices revenant aux travailleurs et des pertes antérieures.

Sauf dans le cas d’une réduction adaptée de capital, aucune distribution ne peut être faite aux actionnaires lorsque les capitaux propres sont, ou deviendraient à la suite de celle-ci, inférieurs au montant du capital augmenté des réserves que la loi ou les statuts ne permettent pas de distribuer.

Ainsi une société ne peut distribuer de dividendes si elle n’a pas totalement résorbé les pertes des exercices antérieurs. Dans le cas des sociétés par actions[2], il s’agit d’actions ordinaires au sens de celles souscrites et libérées, car le droit aux dividendes est suspendu pour les actions non libérées.

L’assemblée générale peut également décider la mise en distribution de sommes prélevées sur les réserves dont elle a la disposition. Le formalisme exigé par le code de commerce consiste à ce qu’une telle décision indique expressément les postes de réserve sur lesquels les prélèvements sont effectués. Cette disposition est très importante car elle consacre le principe de droit aux dividendes sur toutes les sommes non distribuées, qu’elles soient des reports bénéficiaires ou des réserves, autres que la réserve légale et la réserve statutaire.


Les dotations aux réserves correspondent aux sommes à porter en réserve en application de la loi ou des statuts. Outre l’obligation de prélever 5% du bénéfice de l’exercice pour former la réserve légale, jusqu’à ce que cette réserve légale atteigne 10% du capital social, les statuts d’une société peuvent également imposer la création d’une réserve statutaire qu’il faut alors doter avant de pouvoir procéder à une distribution de dividendes. 

Procédures pour la distribution des dividendes

Pour payer un dividende, il convient préalablement de  le déterminer en ayant préalablement fait approuver les comptes annuels par l’assemblée générale ordinaire et avoir constaté l’existence de sommes distribuables.

Si ces deux conditions sont remplies, il revient à l’assemblée générale de déterminer la part des sommes distribuables qu’elle décide de distribuer aux actionnaires sous forme de dividendes.

La même assemblée générale doit également voter une résolution qui fixe les modalités de mise en paiement des dividendes. A défaut d’être fixée par l’assemblée générale, elle-même, cette prérogative peut revenir au conseil d’administration ou aux gérants, selon le cas[3].

Toutefois le code de commerce a prévu que  la mise en paiement des dividendes doit avoir lieu dans un délai maximal de neuf mois après la clôture de l’exercice. La prolongation de ce délai peut être accordée par décision de justice. Dans la pratique cette prolongation est accordée par ordonnance du président du tribunal de commerce statuant sur requête, à la demande du conseil d’administration ou de la gérance.

Les pièges du ‘Copié-Collé’

Les dispositions de l’article 724 du code de commerce algérien sont à l’identique de celles de la loi française sur les sociétés, alors que les contextes sont différents.

La loi française sur les sociétés  a prévu le délai maximal  des neuf mois, suivants la clôture, pour la protection des petits actionnaires et des investisseurs qui ne participent pas à la vie sociale de l’entreprise et qui ont pour principal motivation la rentabilité d’un capital placé, le plus souvent en environnement boursier.

Dans un calendrier normatif de clôture au 31 décembre d’une année clôturée, avec une assemblée générale statuant sur la distribution au plus tard le 30 juin de l’année suivante, il est normal d’attendre un paiement dans un délai raisonnable que le législateur français a fixé à neuf mois après la clôture de l’exercice.

Dans le contexte français, les assemblées générales prennent en considération si la trésorerie disponible à la date programmée de mise en paiement permet à la société de se libérer de sa dette vis-à-vis de ses actionnaires. A défaut il est également reconnu qu’une inscription en compte courant d’associé ou d’actionnaire consacre la mise en paiement.

Dans le contexte algérien, l’application de cette mesure, non adaptée à l’environnement de l’investissement en Algérie, a conduit à des difficultés d’interprétation dès lors que la mise en paiement des dividendes nécessite l’autorisation de transfert de la Banque d’Algérie.

Dans l’ancienne pratique, en société privée, les associés ou actionnaires résidents avaient tendance à laisser les résultats en report à nouveau, au point où l’administration fiscale a du intervenir au moyen d’une disposition du code des impôts directs [4]qui prévoit que les résultats en instance d’affectation des sociétés, n’ayant pas, dans un délai de trois ans, fait l’objet d’affectation au fonds social de l’entreprise sont considérés comme des revenus distribués.

Dès lors que les sociétés algériennes se sont ouvertes aux capitaux étrangers avec la force de la réglementation des changes combinée à la loi sur l’investissement qui consacre le droit au rapatriement des dividendes, l’application du délai des neuf mois pour la mise en paiement s’est trouvée être l’argument invoqué par la Banque d’Algérie pour rejeter des demandes de transfert de dividendes introduites au-delà de ce délai .

Pourtant dans ce cas, le dividende reste acquis et quérable et il appartient au bénéficiaire de le réclamer car tant qu’il n’est pas réclamé ou versé sur un compte individuel au nom de l’associé, il n’est pas considéré comme perçu et la prolongation du délai par décision de justice reste la seule solution.

Encore faut-il ne pas perdre de vue qu’une telle décision de justice n’est pas à inscrire dans le prolongement de la réglementation des changes, mais dans le principe de la protection des actionnaires qui restent créanciers de la société. En effet, la créance de l’associé ou de l’actionnaire est exigible et liquide à compter de la décision de l’assemblée générale ayant décidé et fixé la répartition du dividende.

En loi française, lorsque le dividende est versé après le délai de neuf mois suivant la clôture de l’exercice, l’actionnaire ou associé est fondé à demander à la société réparation du préjudice et  de faire courir des intérêts moratoires.

En loi algérienne, le code de commerce interdit de stipuler un intérêt fixe ou intercalaire au profit des associés, mais cette disposition devrait s’interpréter comme l’interdiction d’un avantage particulier accordé à priori, les dispositions du code civil en matière de réparation de dommages devant s’appliquer. 

En droit commercial, une mise en paiement n’est pas forcément un décaissement

La notion de paiement en droit commercial est bien plus large que le simple décaissement du montant dû au créancier. Elle englobe tout procédé de compensation, y compris l’inscription en compte courant.

Le versement sur un compte courant des dividendes s’effectue fréquemment, dans les sociétés de personnes et les sociétés à responsabilité limitée, du compte de résultat au compte courant ouvert au nom de l’associé dans les livres de la société. En Algérie, il se pratique couramment dans certaines sociétés par actions.

Sous la condition que  les associés ou actionnaires  peuvent disposer librement du solde de leur compte courant, le versement est assimilable à un paiement en espèces.  Au plan fiscal  l’inscription en compte courant, conduit l’administration à considérer les sommes inscrites en compte courant comme des revenus imposables.

La nuance de taille est que le compte courant doit être nominatif, car l’inscription à un compte collectif  de dividendes à payer, après la décision d’assemblée générale, ne vaut pas paiement effectif, dans l’attente de la décision de mise en paiement qui doit avoir lieu dans le délai maximal de neuf mois après la clôture de l’exercice.

Possibilité de verser des acomptes sur dividendes

Le code de commerce algérien propose la possibilité du paiement d’un acompte sur dividendes ou d’un dividende intérimaire dans l’article qui consacre la définition du dividende fictif[5], en excluant de cette qualification les acomptes à valoir sur les dividendes d’exercice clos ou en cours dont le conseil d’administration décide la répartition avant que les comptes de ces exercices aient été approuvés.

Il est ainsi possible de verser aux actionnaires des acomptes sur dividendes avant l’approbation des comptes et la fixation du dividende par l’assemblée générale, lorsque :

– la société dispose, après la répartition décidée au titre de l’exercice précédent, de réserves autres que la réserve légale, d’un montant supérieur à celui des acomptes;

– un bilan établi au cours ou à la fin de l’exercice et certifié par un commissaire aux comptes fait apparaître que la société a réalisé, au cours de l’exercice, après constitution des amortissements et provisions nécessaires, et déduction faite, s’il y a lieu, des pertes antérieures, ainsi que de la dotation à la réserve légale, des bénéfices nets supérieurs au montant des acomptes.


Ainsi, si la société a réalisé des bénéfices importants au cours d’une année, cela permet de distribuer aux actionnaires une partie de ces bénéfices sans avoir à attendre l’approbation des comptes après la clôture de l’exercice. Cette procédure est très peu pratiquée en Algérie, car encore méconnue des dirigeants d’entreprises.


[1] Article 722 du code de commerce.

[2] Pour les SARL, les parts sont intégralement libérées dès souscription. Article 567 du code de commerce.

[3] Article 724 du code de commerce.

[4] Article 46-8 du code des impôts directs et taxes assimilées.

[5] Article 723 du code de commerce.

Post Author: Samir Hadj Ali